Cette carte dénombre les morts de l'armée française en dehors de son territoire entre 1945 et juin 2023 (date de la mise à jour de la carte). Elle s'inspire directement de cette carte concernant le Royaume-Uni publiée dans The Independent et entend à la fois compter les morts des guerres coloniales (Indochine, Maroc, Tunisie, Algérie, Cameroun) et les pertes des autres guerres comme celle de Corée ou les conflits menés entre 1962 et la date de conception de la carte.
Le but de cette carte est de montrer l’importance des conflits coloniaux depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En filigrane se lit aussi la guerre froide ou la guerre contre le terrorisme. Cette carte montre aussi que la France s’implique dans de très nombreux conflits que ce soit au nom de l’Organisation des Nations-Unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, de l’Union Européenne ou pour honorer des accords bilatéraux avec des pays amis qui sont souvent d’anciennes colonies. De manière frappante, c’est l’Afrique qui se trouve au cœur du dispositif militaire de la France et c’est là depuis 50 ans, que meurt la majorité de ses soldats.
En 2011, le rapport du général Bernard Thorette recensait le nombre de morts de ceux qui se sont battus pour la France pour la construction d'un « monument aux morts en opérations extérieures ». Pour l’auteur du rapport, il s’agissait d’un « devoir de mémoire ». Cette expression résume à elle seule une certaine vision de l'histoire coloniale française, le rôle de la France dans les conflits à l'étranger ou bien encore la façon dont l'armée française veut qu'on se souvienne d'elle.
Dans le vocabulaire utilisé par l'armée française, les engagements post-1962 sont appelés 'Operations Extérieures' ou encore 'OPEX'. L'origine de ce terme provient de l'époque coloniale (Théâtres d'Opérations Extérieures) mais cette différence de nommer les conflits pendant et après la période coloniale formelle n'est pas sans conséquence pour la façon de compter les morts. En effet, la mention légale 'mort pour la France' attribuée à certains soldats n'est pas systématiquement donnée à tous les militaires morts en OPEX après 1962. La bibliographie ci-dessous m'a donc aidé à obtenir des chiffres plus précis.
Par conséquent, les chiffres disponibles sur cette carte regroupent tous les morts de l'armée française 'morts pour la France' ou pas. Comme dans ma tentative de dresser une typologie des opérations militaires françaises en Afrique, la disponibilité des sources sur cette question est donc fondamentale. La base de données 'Mémoire des Hommes' souvent mise à jour par une équipe travaillant pour le ministère de la Défense a donc été ma première source de renseignements. Cependant, les informations données par le Ministère de la Défense constituent les chiffres officiels. Ils ne sont pas figés dans le temps et peuvent évoluer au fil des reconnaissances des conditions de mort de certaines personnes. Cette carte n'a donc rien de définitif.
Un futur projet viserait bien entendu à établir une carte inverse, c'est à dire, celles des morts causés par l'armée française. Les problèmes pour obtenir des chiffres se posent alors. Premièrement, comme dans le cas de la guerre d'Algérie ou du Cameroun, peu d'historiens et d'hommes politiques des camps opposés parviennent à se mettre d'accord sur des chiffres précis ou même des ordres de grandeur. Deuxièmement, la France s'est engagée dans des conflits où les opposants ne disposent pas forcément d'outils pour compter leurs pertes. Troisièmement, compter des victimes civiles et militaires n’est pas la même chose et la différence de statut entre combattants est souvent floue. Enfin, l'armée française ne se bat souvent pas seule et compter ses victimes ne serait pas faisable.
La seule carte qui serait envisageable de dresser serait celle du nombre de morts revendiqués par chaque camp. D’un côté, la France produit une estimation dans une fourchette très basse pour minimiser la portée de ses actions, de l’autre, le camp opposé peut avoir tendance à exagérer ses pertes pour montrer les effets dévastateurs de la présence française.
Le choix de faire figurer dans la même couleur tous les morts que ce soit dans des guerres coloniales ou des opérations extérieures n'est en aucun le résultat d'une division légale ou opérationnelle de ces conflits. C'est un choix délibéré qui vise à montrer la continuité de l'action française dans certaines parties du monde et en particulier l'Afrique.
La taille des cercles est proportionnelle au nombre de morts mais il a été nécessaire de construire une échelle particulière à cause de la prépondérance des guerres d'Indochine et d'Algérie. J'ai pris la racine carrée du nombre de victimes par pays et ai placé ces valeurs sur une échelle logarithmique, ce qui a pour effet de maintenir la hiérarchie entre chaque conflit et de rendre la carte lisible.